Voici
enfin la chronique tant promise et tant attendue ( lol) de ce
quatorzième roman de l'écrivain américain John Irving, célèbre
dans le monde entier depuis qu'il a écrit "L'hôtel
New-Hampshire" et " Le monde selon Garp".
Le
titre de ce roman donne le ton: "A moi seul bien des
personnages" est un vers de la pièce shakespearienne "Richard
III".
William
Abbot, bisexuel, devenu un vieil homme, raconte sa vie, notamment
sentimentale, quelle fut sa quête afin de comprendre, à travers son
parcours, ses amitiés, ses amours, quelle personne il est. Tout
comme l'auteur, William est né en 1942, il est romancier, il n'a pas
connu son père biologique et il a pris le nom de son beau-père.
Mais là s'arrêtent les similitudes, enfin à ma connaissance. De
toute façon, ce n'est pas le propos du livre...
Irving
y aborde un thème qui lui est cher: celui de l'exclusion, notamment
sexuelle, de la solitude à laquelle on peut être confronté
lorsqu'on ne rentre pas dans le moule forgé par une société
puritaine et hypocrite. Une grande partie de l'histoire se déroule
dans un village perdu au fin fond du Vermont, où les apparences, les
convenances rythment la vie de ses habitants.
Ce
qui donne lieu à une galerie de portraits de personnages secondaires
riche et savoureuse: le grand-père de William, bûcheron le jour, et
"comédienne" le soir ( il joue les rôles de femmes au
sein du club de théâtre qu'il anime avec son associé, un Norvégien
dépressif); Muriel, la
tante-qui-se-mêle-de-ce-qui-ne-la-regarde-pas; Bob, le mari de cette
dernière, homme sans grande volonté face à sa femme-harpie mais au
demeurant bien sympathique; miss Frost, la superbe bibliothécaire,
ancien lutteur de l'équipe du collège, qui assume pleinement son
statut de "transgenre"; Richard Abbot, le beau-père de
William, professeur de lettres au collège de la petite ville et
animateur du club théâtre auquel il donne un second souffle en
montant des pièces complexes, notamment "La Tempête" de
Shakespeare; Gerry, la cousine au langage de charretier, mais sur
laquelle il peut compter...
Les
personnages se montrent dans toute leur complexité: ce sont des
hommes et des femmes bourrés de contradictions, de faiblesses et de
forces, de mesquineries parfois, de principes auxquels ils se
rattachent pour donner un sens à leur vie, parfois au détriment de
leurs sentiments profonds. Ils restent attachants, notamment pour
toutes ces raisons.
Le
roman de John Irving est un plaidoyer pour la tolérance, qui mêle
habilement humour, tendresse, mélancolie, et férocité crue,
notamment dans tout le passage du livre dans lequel il décrit les
terribles ravages que subissent les premiers malades du SIDA, dans
les années 80, aux Etats-Unis, lorsque que ce fléau était encore
un grand inconnu, terrifiant et traumatisant.
Il
aborde également la complexe question de l'identité sexuelle qui,
pour certains d'entre nous, peut être douloureuse, un vrai calvaire
lorsqu'on ne bénéficie ni de l'appui de ses amis, ni de celle de
ses proches, calvaire qui peut se terminer tragiquement.
Ce
que je n'ai pas aimé: le passage, trop long à mon goût,
dans lequel il décrit la véritable hécatombe d'amis ou d'anciens
amants morts du SIDA, les descriptions sans concession, aux nombreux
détails cliniques qui, à la longue, surchargent le texte et le
rendent un peu trop glauque à mon goût.
Ce
que j'ai aimé: l'humour sensible et léger d'Irving; son
portrait sans concession du puritanisme et de l'hypocrisie des "
bien-pensants"; mais surtout les oeuvres littéraires qui,
citées tout au long du roman, en constituent les fils conducteurs:
"La Tempête", pièce de Shakespeare montée par le club
théâtre de la petite ville berceau de la famille maternelle de
William; mais aussi les pièces d'Ibsen, notamment "Maison de
poupée " et "Hedda Gabler"; "Madame Bovary"
de Flaubert ; et puis "La chambre de Giovanni" de James
Baldwin, livre lu par William et certains de ses amis qui l'aidera
dans sa quête de son identité sexuelle.
C'est
d'ailleurs ce qui me plaît le plus dans ce roman: comment la lecture
en général, mais de certaines oeuvres en particulier, peut aider
une personne à se construire, à comprendre le monde dans lequel
elle évolue, à commencer par son monde intérieur.
Moi-même,
sans la lecture et l'écriture je ne serais pas ce lle que je suis
aujourd'hui.
Un
grand merci à John Irving!!!!
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