vendredi 26 août 2016

Bonjour amis lecteurs,
pour info: je change d'hébergeur pour mon blog. Vous le trouverez désormais à:
legereimaginareperegrinareblog.wordpress.com/
Je vous invite à le visiter.
Pas de panique: vous y retrouverez tous les articles publiés sur l'ancien blog et de nouvelles rubriques.
Alors à très bientôt

mercredi 10 août 2016

11e chronique de l'été: un roman islandais que j'ai acheté dans une braderie sans connaître l'auteur mais connaissant la vitalité de la littérature policière scandinave. Je suis toujours à l'affût de nouveautés. Je n'ai pas été déçue...

L'auteur: 
Kristin Marja Baldursdottir est  née en Islande, à Hafnarjordur, le 21 janvier 1949. Elle a obtenu en 1991 un diplôme de philologie germanique et islandaise. Pour ceux qui l’ignorent, la philologie est l'étude d'une langue à partir de documents écrits).
De son propre aveu, Kristin Marja Baldursdottir a écrit " ce roman afin de tirer une sonnette d'alarme, la place des femmes en Islande étant en régression alors que c'est le premier pays à leur avoir donné le droit de vote, en 1915."
Elle a publié quatre romans, un recueil de nouvelles ainsi qu'une biographie dont je n'ai pas trouvé l'objet.

Le roman:
la particularité de ce roman est que chacun de ses chapitres commence par la description d'un dessin ou d'un tableau de l'héroïne, avec sa date et une très brève description, illustrant la partie de sa vie racontée dans le chapitre même.
La plupart des dialogues sont rapportés au discours indirect et mêlés, sans distinction aucune, aux parties narratives et aux pensées des personnages :" Karitas se sentit embrouillée et mal à l'aise, non pas parce qu'elle était assise autrement qu'elle aurait dû l'être, mais plutôt parce qu'elle ne se rappelait pas avoir une seule fois vu un joueur de violoncelle. Pas plus qu'une photo de celui-ci, pas même de l'instrument. Quelqu'un n'avait-il pas dit que c'était un gros violon? Devait-elle s'aventurer à dire quelque chose, bouger et révéler son ignorance? Elle qui ne savait même ce qu'était un joueur de violoncelle. Peut-être, dit-elle en souriant."( page 123).
Critique parue dans La Savoie: " Le lecteur parvient au terme de ce récit bouleversant avec une folle envie d'embarquer vers ces contrées éblouissantes"...

L'intrigue:
Steinunn, mère de six enfants, se retrouve veuve. Elle décide alors de quitter sa ferme et de partir dans le nord du pays, s'installer à Akureyri, afin de mettre ses enfants à l'école et, ainsi, de leur offrir l'opportunité d'échapper à la rude vie de paysan et/ou de pêcheur. Décision bien inhabituelle qui démontre le courage de cette femme exemplaire qui, jusqu'au bout, se battra pour donner à ses enfants les moyens de se construire une vie qui leur ressemble, de se sortir de leur condition de pauvreté. D'un fjord à l'autre, des quatre coins de cette grande île battue par les vents marins, à travers des paysages magnifiques, Kristin Marja Baldursdottir nous emmène sur les traces de Karitas, la plus jeune des trois soeurs.
Le contexte: l'Islande de 1915, dans une lutte de chaque instant contre le froid et la misère où pourtant, tout est possible, dans ce monde pétri de traditions mais aussi de modernisme; où les paysans, les pêcheurs croisent la route de gens entreprenants, désireux de s'appuyer sur l'héritage du passé afin de construire un pays neuf, moderne.

L'Islande:
le climat y est rude, sans concession aucune: " La banquise pénétra avec eux dans le fjord, leur terre promise. Les flancs des montagnes étaient tachetés de blanc et couronnés d'un voile gris. Un souffle glacial et mordant s'infiltrait dans le cou et sous les jupes. Les blocs de glace flottaient sans but dans la baie peu profonde de Pollurinn, ils tressaillaient et s'éparpillaient lorsque l'express côtier fonçait impitoyablement sur eux." (page 39).
Plus loin: " Le soleil de minuit miroitait sur les vitres mais la glace qui errait dans l'entrée du port se comportait comme si la saison ne la concernait pas, elle ne montrait aucun signe de départ quoique juillet soit bien avancé" (page 47).
Ainsi que le montre si bien l'auteur, les paysages sont beaux et rudes, à l'image de ces hommes et de ces femmes qui luttent avec grand courage contre l'inclémence des éléments.

Les thèmes: 
les trois thèmes principaux développés dans ce roman sont: une société dont la rudesse évoquée plus haut a permis de développer des qualités telles que le courage, la persévérance, mais aussi l'entraide et le travail, car sinon, comment s'en sortir lorsque le premier adversaire est le froid, la nuit, le vent?
Ensuite, la peinture, bien sûr, puisque l'ambition de Karitas est de devenir un peintre très connu dans son propre pays.
Mais le thème principal, celui qui se cache derrière chaque brin d'herbe, chaque montagne, chaque fjord est celui des femmes, de leur condition, de leur rôle indispensable dans cette société encore très rurale; elles en sont le pivot, le moteur, le port d'attache, le phare dans la tempête...

Citation: 
" (...) et souvenez-vous toujours de vous soutenir les uns les autres dans la bataille de la vie, c'est notre devoir de nous entraider, c'est ainsi qu'ont prospéré les familles en Islande et c'est pourquoi la nature n'a pas pu venir à bout de nous. Nous luttons, nous, les Islandais, nous luttons" (page 85)
Quel plus beau message pourrait clore ce magnifique roman?

Mon avis:
vous l'aurez bien sûr compris en lisant ces lignes, j'ai carrément adoré ce récit; j'en ai aimé chaque ligne, chaque passage; j'ai aimé sa poésie, la magie de ce pays méconnu, de ses paysages, de ses légendes, de sa lumière. La force, la sérénité qui s'en dégagent nous apprennent que chacun d'entre nous possède son destin entre ses mains, qu'il faut s'accrocher très fort à ses rêves, à ses envies, à ses ambitions, et tout faire, tout donner pour les réaliser, sans jamais se laisser abattre par l'adversité, quelle qu'elle soit.

Ma note: 19/20











4e sélection de l'été

Bonjour à tous,
voici en avant-première la liste de la 4e sélection de mon Sal de l'été:
1) Hilary Mantel, Le conseiller, tome 2: l'histoire d'Oliver Cromwell; ce deuxième tome aborde la période de la chute d'Ann Boleyn.
2) Stieg Larsson, Millenium, tome 1.
3) Jonathan Kellerman, Terreurs nocturnes, un épisode de sa série de romans policiers mettant en scène un psy pour enfants; je ne connais pas du tout cet auteur, donc lecture-découverte.
4) Gillian Flynn, Les Apparences: j'avais adoré le roman "Les lieux sombres" de cette romancière américaine très douée; j'espère ne pas être déçue par son 3e roman.


mercredi 3 août 2016

Bonjour tout le monde,
voici l'article que vous attendez tous avec une grand impatience...ou pas...:):)
9e chronique de l'été: le roman de Mikkel Birkegaard " Dans le livre des rêves".

L'auteur:
 Mikkel Birkegaard, nouveau venu sur la planète " polar et thrillers" est un auteur danois né le 9 décembre 1968. Il vit actuellement à Copenhague. Il est ingénieur informaticien. Il s'





est lancé dans l'aventure de l'écriture au début des années 2000.
Son premier roman " La librairie des ombres", ( dont le titre original est " Libri di Luca") devient très vite un best-seller dans son pays. Il avoue y avoir consacré deux années pour l'écriture, l'avoir retravaillé deux années supplémentaires et avoir galéré trois ans pour trouver un éditeur, ce qui explique que le livre ne sera publié en France qu'en 2010.

Quelques mots à propos de " Libri di Luca": Luca Campelli, propriétaire d'une vieille librairie nichée au cœur de Copenhague, est apparemment un homme sans histoire, tout dévoué à sa passion des livres. Pourtant, il meurt de manière soudaine et pour le moins étrange. C'est son fils Jon, avec lequel il a rompu tout contact depuis la mort de son épouse, vingt ans auparavant, qui hérite de son magasin. Entraîné bien malgré lui dans les méandres de l'histoire familiale, il ne tarde pas à découvrir le secret que renferme la vieille boutique: son père était à la tête d'une société secrète de " lettore" ( lecteurs en italien), des personnes dotées d'un pouvoir leur permettant d'influencer la lecture des autres, de créer des mondes imaginaires et d'inventer des histoires merveilleuses...bref de changer le cours d'une vie à travers en se servant des livres.
Voilà un premier opus très prometteur qui tourne autour du thème du pouvoir de la lecture, des mots; l'intrigue y est bien menée, sans temps morts, avec de nombreuses péripéties.

Le roman:
"Dans le livre des rêves" est en fait le troisième roman de Mikkel Birkegaard, le second n'ayant pas été traduit en français. Bien que cette histoire soit également empreinte d’onirisme, le rythme est plus lent, le suspense moins soutenu avec moins de rebondissements.
Toutefois, il faut noter son originalité avec la création d'une bibliothèque virtuelle et le combat de deux factions pour ou contre sa destruction.
Toute l'histoire est développée du point de vue d'Arthur qui se remémore, cinquante années après les événements, et qui raconte ce qui lui est arrivé en 1846, lorsqu'il était apprenti relieur de Mortimer Welles.

L'intrigue:
la vie tranquille d'Arthur, 10 ans, bascule lorsque son père, fonctionnaire au ministère du Livre, est retrouvé mort dans le port de Copenhague. S'ensuivent la misère et la déchéance sociale. Sept ans plus tard, il croise la route de Mortimer Welles, restaurateur de livres anciens et détective amateur à ses heures perdues, qui le sauve de la prison.
Le Danemark traverse alors une des périodes les plus sombres de son histoire: l'obscurantisme et la censure règnent en maîtres. L'accès aux bibliothèques est strictement réglementé et réservé à certains citoyens. C'est alors qu'Arthur découvre que son maître s'intéresse, depuis quelques années, à des disparitions inexpliquées et qu'il entend parler de la Bibliothèque, lieu ou seraient conservés tous les livres mis à l'index, tous les ouvrages interdits. La mort de son père aurait-elle un lien avec cette Bibliothèque?
Commence alors pour les deux hommes une enquête qui va les mener dans un univers de ténèbres.

Le roman s'articule autour des thèmes de la liberté de pensée, de la tyrannie politique, religieuse et culturelle afin de maintenir le peuple dans l'ignorance en contrôlant l'accès au savoir, véritable clé menant à l'indépendance intellectuelle; Mikkel Birkegaard nous adresse ici son message: notre patrimoine intellectuel est notre véritable richesse, nous devons le sauvegarder coûte que coûte; seul le savoir et l'accès à la connaissance sont capables de nous délivrer des chaînes visibles ou invisibles dans lesquelles les politiques nous enferment afin de mieux nous gouverner.

Les lieux:
l'histoire se déroule dans la Copenhague de 1846; l'atmosphère y est sombre, inquiétante, rappelant la Londres victorienne de la fin du XIXème siècle. L'auteur propose une carte bien utile pour se repérer dans les dédales de la cité.
Les personnages:
ici réside, à mon sens, l'une des faiblesses du roman; en effet, je les trouve un peu moins "percutants" que dans son premier roman.
Arthur, le narrateur, manque parfois d'initiative, de répartie; son jeune âge n'excuse pas forcément sa passivité face à certains événements. Pourtant, à certains moments, il est capable d'agir en toute autonomie, mais ces moments sont trop rares pour donner suffisamment d'épaisseur à son

personnage.
Quant à Mortimer Welles, il me fait penser, par certains côtés, au héros de Sir Arthur Conan Doyle, le fameux Sherlock Holmes: esprit brillant, logique, observateur, analytique, mais moins hermétique et distant que son homologue britannique.
Les deux personnages féminins, Elisabeth et Klara sont plus "étoffés" bien que leur rôle ne soit pas décisif. Je pense que l'une comme l'autre auraient mérité de participer plus activement au déroulement de l'intrigue.

Mon avis:
vous l'aurez certainement compris, " Dans le livre des rêves" ne répond pas à toutes ses promesses. Moi qui avait littéralement dévoré " Libri di Luca", je suis un peu déçue par le rythme plus lent et les personnages moins profonds.
Toutefois, malgré ces réserves, je lui reconnais des qualités certaines: originalité et inventivité dans la mise en oeuvre des thèmes; bonne connaissance de l'ancienne cité de Copenhague; son atmosphère lourde et oppressante qui en font un bon thriller.

Ma note: 15/20


mardi 2 août 2016

Bonjour à tous,
avec du retard ( ordi planté), voici la 8e chronique de l'été; cette fois, il s'agit d'un roman policier dans la pure tradition scandinave: Le tailleur de pierre de Camilla Lackberg.

L'auteur:
Camilla Lackberg est née en août 1974 à Fjallbacka, petite station balnéaire de la côte ouest suédoise, à mi-chemin entre Oslo et Göteborg; à noter que les intrigues de ses romans se déroulent toutes dans sa ville natale.
Camilla Lackberg était économiste à Stockholm avant de se consacrer définitivement à l'écriture de romans policiers au début des années 2000, avec le talent qui la caractérise: intrigues complexes, personnages récurrents attachants, style épuré sans parlottes inutiles ni descriptions trop chargées, efficacité et pragmatisme scandinaves.
Le premier livre qui l'a marquée est "Mort sur le Nil" d'Agatha Christie. On retrouve d'ailleurs chez elle la même facture très classique: meurtre, liste de suspects, enquête, que chez la Reine du Crime britannique. Héritage qu'elle revendique sans fausse pudeur, tout en ayant ajouté sa "marque de fabrique" personnelle et très moderne qui explique en partie le succès de ses romans.
Petite anecdote: Camilla a écrit son premier roman, "La Princesse des glaces" au cours d'un stage d'écriture. Et Agatha a écrit son premier roman " La mystérieuse affaire de Style" suite à un défi lancé par sa sœur. Comme quoi...

Le roman:
écrit en 2005 et publié en France en 2009.
L'action dans le présent se passe en automne.
Pas de longs préambules: le cadavre est découvert dès les premières lignes.
Il se découpe selon un schéma d'allers et retours entre le passé, qui raconte l'histoire d'Agnès à différentes périodes de sa vie ( 1923, 1928, 1946, 1954) et le présent de l'enquête policière.
De nombreux passages racontent la vie quotidienne, les péripéties des personnages récurrents ainsi que d'autres personnages propres à ce roman ( par exemple, les querelles de voisinage entre Lilian et Kaj, son voisin, un des fils rouges de ce roman).
L'intérêt de ce procédé est de donner de l'étoffe à l'intrigue et d'entretenir le suspense en conférant une certaine lenteur à l'enquête. En effet, le lecteur se demande quel peut bien être le lien avec l'enquête en cours?
Le jeu de l'auteur participe d'ailleurs amplement à égarer le lecteur dans les méandres de l'enquête: elle suggère des bribes de pistes, chaque personne impliquée directement ou indirectement donnant son point de vue. Ainsi, le lecteur, qui essaie de résoudre l'énigme,  se demande régulièrement, au fur et à mesure des indices et informations qu'il collecte, qui est le meurtrier: Niklas, le père? Charlotte, la mère? Morgan, le voisin autiste? Un autre voisin? Un membre de la famille?
Toutes les pièces du puzzle sont disséminées çà et là de telle façon que la reconstitution finale ne peut avoir lieu, justement, qu'à la fin...qui n'est pas prévisible!

Les thèmes: 
son thème de prédilection est la famille, son côté obscur qui abrite "des secrets, des déviances, le lieu du mal par excellence"; pas besoin de parcourir de longues distances; le mal est tapi, là, tout près de vous, dans ce village que vous croyez connaître comme votre poche, chez ces voisins et amis que vous croyez inoffensifs...Rappelez-vous le secret de Miss Marple, la célèbre détective amateur d'Agatha Chrisite: " La nature humaine étant partout la même, il suffit d'observer les habitants de son village pour connaître tous les recoins sombres de l'âme humaine".
Autre thème, qui découle du premier, la maternité, la relation mère-enfant: " Etre une mère n'a jamais été évident pour moi, déclare Camilla Lackberg; (...) c'est pourquoi je suis fascinée par les histoires où les parents maltraitent leurs enfants, car ils sont contre leurs instincts de parents."
 D'autres thèmes apparaissent en filigrane: les destins brisés, les vies gâchées, la dissolution du couple...

Les personnages:
Nous retrouvons ici Erica, jeune maman, et son compagnon Patrick Hedström, enquêteur, à un moment difficile de leur vie de couple: la naissance de leur premier enfant. Le lecteur peut suivre ainsi les déboires et les doutes qui assaillent les jeunes parents.
Nous retrouvons également toute l'équipe du commissariat de Tanumshede, dont Fjallbacka dépend: le commissaire Bertil Mellberg; les enquêteurs Ernst Lundgren, Martin Molin, le médecin légiste Tord Petersen et la standardiste Annika.
Contrairement à d'autres romanciers scandinaves, comme Ake Edwardson ou Karin Fossum, Camilla Lackberg s'attache plus particulièrement à l'aspect humain, laissant très peu de place aux descriptions de paysages et d'ambiances.

L'intrigue:
un pêcheur découvre, dans son casier à homards, le cadavre d'une petite fille en laquelle l'inspecteur Patrick Hedström reconnaît la fille d'une amie de sa compagne, Erika. Tout d'abord, tout le monde pense à une noyade accidentelle. Mais le légiste trouve de l'eau douce et du savon dans ses poumons.
Dès lors, Patrick et son équipe vont devoir gratter la surface lisse des vies de chacun des protagonistes et s'enfoncer toujours plus avant dans les tunnels sombres et effrayants de l'âme humaine...

Mon Avis:
La romancière suédoise signe ici, encore une fois, un très bon polar, mené avec sa maestria habituelle.
Mon petit bémol: un peu long, presque 600 pages, du aux développements extra-enquête qui parfois peuvent lasser.

Ma Note: 17/20











jeudi 21 juillet 2016

Sal été 2016, sélection 3

Bonjour à tous,
voici la sélection du SAL été 2016:
- Elena Ferrante: Le nouveau nom ( 2e tome du roman L'Amie Prodigieuse), suite des aventures de Lila et Elena dans la Naples des années 60.

- Mikkel Birkegaard: Dans le Livre des Rêves: voici la phrase de présentation qui figure au dos de ce roman: "Un roman onirique, brillant et inventif à mi-chemin entre les univers de Jules Verne et d'Arthur Conan Doyle, une aventure littéraire fabuleuse." Comment résister...

- Kristin Marja Baldursdottir: Karitas: je ne connais pas cette romancière islandaise mais j'ai eu envie de découvrir ce roman qui, une fois n'est pas coutume, n'est ni un roman policier ni un thriller, mais une fresque historique qui s'articule autour de deux passions: l'art et l'amour.

- Tana French: Les Lieux Infidèles: retour aux sources avec ce 3e opus de la talentueuse romancière américaine.

mardi 19 juillet 2016

7e chronique de l'été: Le prix de l'hérésie de S.J. Parris

L'auteur: 
S.J. Parris est le pseudonyme de Stéphanie Parris, journaliste et critique littéraire anglaise née en 1974 dans le Surrey. de 1998 à 2005, elle a travaillé dans l'édition pour The Observer. Elle a collaboré avec un certain nombre de journaux britanniques, notamment The Observer et The Guardian, pour lesquels elle continue de publier des articles. L'essentiel de son activité tourne autour de ses romans catalogués thrillers ésotériques, notamment la série avec Giordano Bruno comme personnage principal, ainsi que ses interventions à la BBC comme interviewer et dans divers festivals littéraires.
Bibliographie: 
Le Prix de l'Hérésie ( 2010)
Le Temps de la Prophétie ( 2011).
Sacrilège ( 2012).
Trahison ( 2014).
Conspiration ( 2016).

L'oeuvre: 
toute l'oeuvre repose sur le personnage de Giordano Bruno, philosophe italien qui a vécu au 16ème siècle. De ce fait, le roman est écrit à la première personne. Et, comme ce que l'Histoire a retenu de Giordano est qu'il a été brûlé pour hérésie en 1600, et que l'histoire racontée se déroule en Angleterre, le lien avec le contexte religieux de l'époque se fait aisément, avec l'irruption de mots tels que Inquisition, Catholiques, Protestants...
Mais qui était réellement Giordano Bruno?
Les détails de sa biographie, dont je rapellerai ici les grandes lignes, sont du domaine public:
Né en 1548 à Nola, petite ville de Campanie proche de Naples, il y reçut une éducation teintée d'humanisme et d'auteurs classiques. Il rejoindra ensuite l'université de Naples où il découvre la mnémotechnique qui constitue rapidement une de ses disciplines favorites;
En 1565, il entre chez les Frères Prêcheurs de San Domenico Maggiore, couvent dominicain réputé dans toute la péninsule pour pour la qualité des titres délivrés. Il est ordonné prêtre en 1573 et, grâce à son exceptionnelle mémoire et son goût insatiable pour la lecture, nommé lecteur en théologie en 1575.
Néanmoins, Giordano, qui a lu tous les écrits d'Erasme, chantre de la liberté de pensée, supporte de plus en plus difficilement le poids de l'intransigeance et de l'obscurantisme du catholicisme. La rupture qui couve depuis ses années de noviciat éclate en 1576. Moine défroqué et excommunié, il erre à travers l'Europe jusqu'en 1592, date à laquelle il est dénoncé à l'inquisition vénitienne.
Voilà pour la biographie standard.
Mais ce qui est fascinant chez Bruno, critique de la Renaissance,  c'est qu'il était indéniablement en avance sur son temps et pourtant totalement immergé dans son époque, prenant une part active aux grands débats religieux et philosophiques, notamment concernant la question cruciale pour l'Eglise de l'héliocentrisme; il incarne toutes les valeurs de la philosophie de son époque et celles de la pensée moderne: son esprit libre, sa pensée toujours en mouvement, toujours en recherche de réponses sur le monde et sur l'homme, questions toujours d'actualité...

Le contexte historique: 
la reconstitution de l'esprit universitaire de l'époque, surtout oxfordien, est très réaliste avec ses controverses entre catholiques et protestants, pendant le règne de la fille d'Anne Boleyn, considérée par une partie des anglais comme une bâtarde:
Extrait page 85 :"C'est une histoire affligeante, docteur Bruno, et source de honte pour le collège. Lancien sous-recteur, le docteur Allen, a perdu son poste l'année dernière lorsqu'on a découvert qu'il s'était...parjuré en prononçant le serment de fidélité. Apparemment, il était dévoué à l'Eglise romaine."
En effet, toute l'intrigue tourne autour du contexte de luttes entre les papistes, dont la reine voudrait éradiquer la présence et l'influence dans son royaume, et les protestants, aussi intransigeants et fanatiques les uns que les autres. C'est en cela, à mon sens, que réside le véritable intérêt de ce roman.

L'intrigue:
car l'intrigue en elle-même est assez classique, avec les rebondissements d'usage: poursuites nocturnes dans les rues; messages secrets; livres cachés; chambres fouillées; identités usurpées;tortures, etc...tous les ingrédients qui font un bon roman sans toutefois rien d'exceptionnel.

Les personnages:
toute une galerie de personnages impliqués dans cette histoire donne une épaisseur à l'intrigue, je pense notamment au recteur obnubilé par la réputation de son collège; sa fille Sophia, maintenue dans son rôle de jeune fille à marier mais dont l'esprit vif est sans cesse en recherche de réponses; Cobbett, le gardien qui, malgré son absence d'éducation et son esprit un peu obtus, est capable de bien plus de bienveillance que ces messieurs de l'université à l'esprit souvent rassis.
Quelques autres portraits un peu tracés à la va-vite manquent de finesse et de subtilité, notamment le trésorier Slythurst, aveuglé par sa haine des étrangers, ne parviendra jamais à reconnaître les mérites de Bruno, le palatin Laski, véritable caricature du courtisan stupide et bouffi d'orgueil.

Mon avis: 
Le Prix de l'Hérésie est un bon roman, divertissant, mais qui à mon sens manque un peu de profondeur, notamment le personnage de Bruno qui aurait mérité d'être plus complexe; on peut regretter, par exemple, que la disputation avec le recteur, raison officielle de sa venue à Oxford, soit à peine ébauchée. Même si cette joute orale n'avait pas de rapport direct avec l'intrigue, elle méritait certainement un meilleur traitement.
Malgré ce bémol, j'ai apprécié la reconstitution historique de l'esprit universitaire et religieux de l'époque dont S. J. Parris a bien montré la mesquinerie.

Ma note: 14/20