jeudi 23 juin 2016

Bonjour tout le monde,
une promesse, est une promesse...même si elle est honorée tardivement...oui, je sais, je dis ça pour me déculpabiliser d'avoir tant tardé à publier des extraits du premier tome; mais, voilà, c'est fait :):)
N'hésitez surtout pas à faire des commentaires, positifs ou pas...d'avance merci
EXTRAITS DU PREMIER TOME :


Prologue :

Après les invasions barbares et la chute de Rome, le chaos régnait en Europe. Mais des ruines encore fumantes d'un monde romain appartenant désormais au passé, si glorieux fut-il, émergea peu à peu un ordre nouveau : celui des peuples dits «  barbares » , des païens sans foi ni loi, vivant en tribus ou en clans, batailleurs, querelleurs et brouillons, mais animés d'une formidable énergie vitale, plus vivifiante que les miasmes putrides exhalés par les marbres et les colonnes des palais corrompus des derniers empereurs, énergie qui les poussait à aller de l'avant, encore et toujours, sans regarder derrière soi, sans s'encombrer d'inutiles principes moraux, ne croyant qu'en leurs dieux faits à leur image, ne faisant confiance qu'à leur force physique et à leurs armes, s'adonnant à la guerre avec la même fougue qu'ils mettaient à boire, manger ou faire l'amour. Ils profitaient de chaque étincelle de vie irradiant par toutes les fibres de leur être...
Les Scandinaves étaient de ceux-là, mais ils étaient nés dans des contrées au sol ingrat et chiche, exigeant beaucoup d'efforts pour peu de rendement. L'agriculture, l'élevage et la pêche permettaient tout juste de survivre dans un monde au climat rude, aux terres cernées par l'élément liquide. Les Hommes du Nord, entreprenants, courageux et très résistants comprirent alors que la mer, qui semblait être leur prison, constituait en réalité leur seul salut. Ils conçurent des bateaux très ingénieux, barques à fond plat extrêmement maniables et légères, qui pouvaient être roulées sur des rondins ou portées afin de contourner n'importe quel obstacle ou pour couvrir une petite distance séparant deux cours d'eau. Depuis de nombreuses générations, ils pratiquaient le cabotage le long de leurs côtes déchiquetées, ainsi que le long des côtes germaniques et franques. Avec de tels navires, capables d'apprivoiser les colères et les caprices de la mer, ils partirent à la découverte du monde extérieur. Fins observateurs, ils comprirent très vite que le commerce était la clef d'accès à des richesses qu'ils n'auraient jamais soupçonnées. C'est en remontant les fleuves du grand continent européen qu'ils atteignirent Constantinople. La grande cité les éblouit par l'opulence de ses palais et de ses marchés, par la diversité et l'animation de ses rues cosmopolites. Certes, ils se retrouvaient bien loin de leurs contrées brumeuses et froides mais ils étaient hardis, aventureux, pleins de courage et surtout bien organisés.
Alors, ils fondèrent des comptoirs sur les rives de la Mer Baltique mais aussi dans les lointains territoires qu'ils sillonnaient. Grâce à leurs propres itinéraires maritimes et fluviaux, ils créèrent des réseaux de correspondants qui écoulaient leurs marchandises déjà très prisées : fourrures, peaux, ivoire de morse, ambre, vadmal, tissu de bure de très grande qualité, qu'ils troquaient contre des meules à bras rhénanes, des pierres à aiguiser et surtout du vin.
A cette époque, il n'était pas rare de voir de jeunes scandinaves partir commercer pendant plusieurs années sans éprouver aucune difficulté d'adaptation, pouvant faire indifféremment escale dans des pays aussi divers que la Perse, la Grèce, l'Italie, les Gaules, la Germanie. Quelques années plus tard, ils rentraient chez eux enrichis et endurcis par le dur métier de marchand itinérant, loin d'être une occupation de tout repos. Il fallait savoir se battre pour se défendre contre d'éventuels prédateurs, savoir protéger son navire, ses marchandises et ses bénéfices, raison pour laquelle ils se groupaient souvent en « guildes » afin de partager les frais et les risques. C'est ainsi qu'ils apprirent à connaître les coutumes des cités européennes. Ils furent rapidement capables d'en appréhender les ressources matérielles et financières. Ils comprirent que ces dernières étaient généralement concentrées dans les principaux centres urbains et religieux, ces derniers souvent isolés et laissés sans moyens de défense.
C'est dans ce monde en pleine effervescence que naquirent les générations d'hommes et de femmes dont nous allons évoquer les destinées souvent extraordinaires, parfois insolites mais jamais monotones.

  1. Début du chapitre 6 :




Depuis longtemps déjà, le Danemark était plongé dans les ténèbres de la confusion la plus totale : le royaume, mosaïque de clans dirigés par des jarls jaloux les uns des autres, se combattant pour acquérir un semblant de suprématie, était déchiré par d'incessantes guerres intestines. Aucune structure monarchique durable n'avait pu émerger de cette masse confuse afin d' unifier le pays et de lui assurer la stabilité, même relative. C'est alors qu'en 798 Godfred, prince ambitieux et volontaire, ayant compris que le royaume du Danemark ne pourrait exister politiquement tant qu'il serait la proie des ambitions personnelles et des rivalités claniques, prit le pouvoir. Il avait juré qu'il serait ce roi fédérateur, capable de créer une monarchie s'appuyant sur des structures stables et durables. Il entreprit donc la lente et difficile conquête des territoires extrêmement morcelés, gérés par des jarls hautains, jaloux de leur indépendance, refusant de céder un pouce de leurs prérogatives à quiconque, et certainement pas à un prince qui prétendait les dominer, les assujettir au nom d'un royaume qui n'existait que dans ses rêves.
Grâce à une fructueuse carrière de viking, Godfred disposait des richesses nécessaires à la réalisation de son ambition. En effet, seule une grande libéralité en cadeaux, en argent ou en terres lui permettrait de se rallier le plus grand nombre de ces petits nobles sans lesquels il ne pouvait malheureusement rien entreprendre. La première étape dans l'accession au trône était de se faire élire dans sa propre parentèle. Par un serment solennel, chaque homme s'engageait à assurer le service militaire pour soutenir le roi dans sa mission d'unification du royaume et de défense du territoire, ainsi que le service princier pour assurer sa protection personnelle et celle de sa famille. En échange, le roi devait leur fournir nourriture, vêtements, armes, bijoux et cadeaux de toutes sortes afin de les lier à lui et entre eux.
Pour accéder à l'élection définitive, la deuxième étape était plus délicate , car elle exigeait que chaque assemblée locale entérinât cette première élection, ce qui impliquait de pouvoir acheter les voix détenues par les jarls, les petits et les grands boendr. Étape que Godfred franchit victorieusement. Désormais, il ne lui restait plus que la dernière formalité : rassembler tous les hommes libres de tous les clans afin de réitérer la cérémonie d'élection qui s'était déroulée plusieurs mois auparavant au sein de sa propre parentèle. Ce ne fut qu'à l'issue de cette réunion qu'il fut considéré roi de tout le territoire danois. Selon les anciennes lois ancestrales, la principale fonction du roi était de maintenir l'honneur, la sécurité et le bien-être de son peuple, sans oublier que lui-même restait soumis à ces lois dont chaque article était discuté puis voté par l'assemblée des hommes libres. Il choisit pour résidence principale le superbe domaine royal de Léthra, jadis habité par Sigfrid, son prédécesseur.
Au cours des siècles précédents, au gré de leurs expéditions commerciales ou guerrières, les Scandinaves avaient tissé un véritable réseau d'informateurs établis dans toute l'Europe occidentale, mais également à Byzance et dans quelques cités d'Afrique du nord et du Proche-Orient. Ce réseau était indispensable pour se tenir au courant des fluctuations économiques et politiques des différents royaumes de ces régions. Fidèle à cette tradition, et bien avant d'être élu roi, Godfred avait suivi de très près la progression de l'expansion franque, particulièrement vers la Frise et la Saxe, limitrophes du Danemark. L'hiver qui suivit son élection, il s'installa dans le nord du Jutland, dans une de ses fermes royales qu'il avait donnée à administrer à Bjorn le Noir qui, bien que Norvégien, était l'un de ses plus fidèles lieutenants. Depuis que Godfred l'avait sauvé de la noyade lors du naufrage de son navire, il se considérait lié à lui par une dette qui ne s'éteindrait qu'avec la mort de l'un ou l'autre. Cela dit, les Normanni formaient une vaste communauté dont la solidarité se jouait de toute frontière. La maison, bâtie sur le même modèle que les habitations des riches jarls, se différenciait par de plus vastes dimensions et un aménagement plus luxueux, comprenant de nombreuses dépendances telles que cuisines, laiterie, ateliers, granges, étables, étuves, car le roi ne se déplaçait jamais sans sa famille et toute sa suite.
Un soir de janvier. La neige tombait à gros flocons. Godfred marchait de long en large dans sa chambre où il s'était retiré pour réfléchir, visiblement en proie à une grande agitation. Près d'un petit foyer, bien installé dans un grand fauteuil de bois sculpté garni d'épais coussins, se tenait un personnage à la physionomie intéressante : une tête ovoïde, glabre, ce qui surprenait toujours son entourage tant la chose était rarissime, aux traits relativement quelconques si ce n'était des yeux extraordinaires, petits, assez enfoncés dans leurs orbites, très noirs, brillant d'un vif éclat, témoins d'une intelligence supérieure. Tout ce que pensait ou ressentait cet homme ne transparaissait que dans ses yeux, offrant ainsi un saisissant contraste avec le roi.
Godfred était de très haute taille, bien charpenté. Son corps, habitué à la vie au grand air, aux exercices physiques et à une nourriture frugale, ne portait pas une once de graisse. Que du muscle ! Sa force de caractère se manifestait par son amour de la sobriété, son indifférence pour les menus trop copieux et pour les agapes qui dépassent la mesure. Il ne consacrait jamais de temps aux excès des viveurs, dans le souci de ne pas s'affaiblir par l'effet corrupteur de mets succulents dont il redoutait la douce et pernicieuse accoutumance. Son teint hâlé, presque doré, ses cheveux blond roux et sa longue moustache lui conféraient une aura particulière. De grands yeux bleus illuminaient sa physionomie franche et avenante. Indéniablement, il ne passait pas inaperçu et les hommes comme les femmes ne pouvaient s'empêcher de le regarder, voire de l'admirer, souvent conquis par ses manières joviales et directes, sauf ceux qui le jalousaient. C'était véritablement une force de la nature, un homme ambitieux qui savait ce qu'il voulait et comment y parvenir.
Mais ce soir, Bjorn observait un tout autre homme. Godfred continuait à tourner en rond comme un lion en cage. Il ruminait de sombres pensées car l'irrépressible avancée des Francs vers le nord-est l'inquiétait. Avec la déportation des populations saxonnes, plus aucun obstacle n'existait entre son pays et leur désir d'expansion.


  1. Début du chapitre 7 :


Toute la famille s'embarqua sur le knorr de Brikarnef, navire ventru aux modestes dimensions, construit pour le transport de fret avec sa coque haute et plate, son plat-bord assez échancré. Jadis, son capitaine avait mené la vie agitée et errante d'un viking : éprouver la mer, se mesurer à elle et en triompher, remplir ses coffres de richesses fabuleuses, rechercher avidement les profits de toutes sortes, cette existence aventureuse valait mille fois mieux que d'emprunter des chemins raboteux, d'y peiner en exploitant de pauvres pacages. Il préférait de loin la liberté sur la mer plutôt que la servitude sur terre, même si la mort se trouvait au bout du voyage. Mais aujourd'hui, assagi par le poids des ans, il se contentait de petits trafics en mer du Nord, histoire de ne pas perdre la main et de garder contact avec ses vieux amis. Quoi qu'il en soit, il avait toujours eu la bougeotte et ne supportait pas de rester à terre plusieurs semaines de suite, d'autant que sur son bateau il était le seul maître et que partout où il allait, il était assuré de trouver le gîte et le couvert. Il dédommageait ses hôtes par des cadeaux rapportés de ses voyages et par de fabuleux récits dans lesquels ses aventures personnelles côtoyaient le merveilleux des contes glanés dans toute l'Europe, sans que l'on sache où se trouvait la frontière entre la réalité et la fiction. Mais quelle importance pourvu que l'on passât une bonne soirée !
La traversée jusqu'aux Orcades ne représentait qu'une formalité pour un vieux loup de mer comme lui. Ses hommes d'équipage étaient des marins d'expérience avec lesquels il naviguait depuis de nombreuses années. Malgré leurs manières peu engageantes, Eryndr se sentait en sécurité parmi eux et elle profita du voyage pour se reposer et penser à l'avenir qui les attendait. Ses associés, sans lesquels il n'entreprenait aucune traversée si courte soit-elle, également des hommes d'expérience et auxquels on pouvait se fier, achevèrent le chargement de chacun de leurs navires.
On leva l'ancre au début de l'après-midi. Les douze rameurs imprimèrent au lourd navire une tranquille allure de quatre nœuds. De toute façon, il n'était pas conçu pour la vitesse et, au-delà de six nœuds, une vague se formait à l'avant et lui faisait perdre une partie de sa stabilité. Le temps était clair et les conditions idéales pour une traversée sans histoire. Les passagers s'installèrent confortablement dans la partie centrale du navire afin de jouir du spectacle, nouveau pour eux et ô combien fascinant, sans gêner les allées et venues des marins. Grisée par l'air vivifiant, Eryndr commençait à comprendre ce que Thorkell avait pu ressentir quand il répondait à l'appel du large.
Harald, captivé par les mouvements du barreur qui maniait avec une grande dextérité le styri, safran latéral, toujours placé à tribord de la coque, s'était glissé à la poupe. Près de lui, Anwind, le pilote, qui connaissait la route comme sa poche, indiquait les écueils à éviter, les passages à emprunter. Une brise légère faisait flotter les cheveux de l'enfant qui se tenait debout, bien campé
sur ses deux jambes, regardant dans la même direction que le barreur. Le soleil était encore haut et faisait reluire la mer telle un plat d'étain. Sa main droite protégeant ses yeux des reflets aveuglants, il se retourna et scruta la côte danoise qui s'éloignait de plus en plus jusqu'à ne plus être qu'un petit point dans le lointain. Malgré l'ivresse de l'aventure qui le ravissait, il eut un pincement au cœur, se demandant s'il reverrait un jour sa patrie, la terre de ses ancêtres, là où son père reposait. Au bout d'un moment, il fixa à nouveau son regard devant lui, vers le nord-ouest, appréciant la limpidité du ciel.
La petite flotte avait atteint le large et s'ébrouait sans entrave. Elle dansait au milieu des vagues et des oiseaux marins. Harald sentit alors tout son être se pénétrer de cet intense sentiment de liberté que procurent les voyages en mer. Ce jour-là, tout comme Eryndr, il comprit que cette attirance était bien plus forte, plus puissante que tout amour humaine, il le comprit et pardonna. Il sut que son destin se trouvait là, sur un navire, chevauchant les mers en une quête éternelle dans l'espoir d'assouvir cette soif d'absolu, cette recherche de son être intérieur, solidement ancrée au fond de ses entrailles.
En fin d'après-midi, le vent se leva. Les vagues se creusèrent. Les passagers prirent leur repas puis s'installèrent pour la nuit. Les membres de l'équipage mangeraient plus tard dans la soirée, en fonction des occupations de chacun. A la tombée de la nuit, Brikarnef répartit les tours de garde. Il resta attentif à la marche de la flottille car le vent fraîchissait toujours et la vitesse des navires était à son maximum, compte tenu de leur charge. Les rudes toiles renforcées de lanières de peau faisaient grincer les écoutes de cuir tressé sous la pression du vent. Les rameurs se reposaient. Certains mangeaient, d'autres jouaient aux dés. Harald regardait le mât qui, bien calé dans son évidement, semblait d'une solidité à toute épreuve. Les autres membres de l'équipage prirent leur poste pour la nuit.
Le capitaine donna l'ordre de fixer les tentes, toiles de laine grossière renforcées de cuir et doublées de bure afin que les passagers puissent dormir, chaudement enveloppés dans des couvertures en peau de renne . Les tentes étaient de la même fabrication que la voile et pouvaient, le cas échéant, la remplacer. Les hommes la tendirent au milieu du navire sur son armature en bois constituée de deux paires de montants dont les extrémités se croisaient et s'ornaient en leur sommet de têtes d'animaux sculptées. Elle lui donnait une forme de toit évasé qu'on arrimait solidement aux couples et aux taquets. Son sommet ne dépassait guère la hauteur des boucliers au-dessus des plats-bords, afin qu'elle ne gênât ni la navigation, ni la vision du pilote et ne donnât pas prise au vent .A l'arrière et sur la droite du knorr, il pouvait aisément voir l'horizon et toujours distinguer le cou du dragon dont la tête ricanante, artistement sculptée elle aussi, se dressait haute et fière au-dessus des flots, dominant à la fois le navire et l'océan. Sous la toile, il fallait se courber et on y restait assis ou couché, mais avec un peu d'ingéniosité, Frida en fit un lieu de repos confortable. On alluma des feux et on resserra la surveillance, doublant les hommes de proue et les flancs-gardes. Les barreurs des cinq knorrs observèrent alors les sévères consignes de pleine mer : garder le cap, les distances et le contact avec le bateau de devant comme avec celui de derrière. Brikarnef fit réduire la voile pour la nuit.
La flottille aborda les Orcades au matin. Le capitaine y avait prévu une courte escale pour écouler une partie de sa marchandise. Grâce aux hauts fonds qui entouraient l'archipel, les navires purent jeter l'ancre dans une baie abritée où poussaient quantité d'algues géantes, près de la côte de l'île la plus méridionale, à l'entrée du détroit de Pentland, au large de la côte écossaise. Pas d'arbres en ces lieux sans cesse battus par les vents. Sur les collines verdoyantes, on apercevait seulement des moutons blancs, disséminés çà et là, paissant en toute liberté. Une clarté particulière, reflétée par l'océan, donnait au paysage habituellement austère une agréable douceur. La brise marine faisait frissonner les bruyères.











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