7e chronique de l'été: Le prix de l'hérésie de S.J. Parris
L'auteur:
S.J. Parris est le pseudonyme de Stéphanie Parris, journaliste et critique littéraire anglaise née en 1974 dans le Surrey. de 1998 à 2005, elle a travaillé dans l'édition pour The Observer. Elle a collaboré avec un certain nombre de journaux britanniques, notamment The Observer et The Guardian, pour lesquels elle continue de publier des articles. L'essentiel de son activité tourne autour de ses romans catalogués thrillers ésotériques, notamment la série avec Giordano Bruno comme personnage principal, ainsi que ses interventions à la BBC comme interviewer et dans divers festivals littéraires.
Bibliographie:
Le Prix de l'Hérésie ( 2010)
Le Temps de la Prophétie ( 2011).
Sacrilège ( 2012).
Trahison ( 2014).
Conspiration ( 2016).
L'oeuvre:
toute l'oeuvre repose sur le personnage de Giordano Bruno, philosophe italien qui a vécu au 16ème siècle. De ce fait, le roman est écrit à la première personne. Et, comme ce que l'Histoire a retenu de Giordano est qu'il a été brûlé pour hérésie en 1600, et que l'histoire racontée se déroule en Angleterre, le lien avec le contexte religieux de l'époque se fait aisément, avec l'irruption de mots tels que Inquisition, Catholiques, Protestants...
Mais qui était réellement Giordano Bruno?
Les détails de sa biographie, dont je rapellerai ici les grandes lignes, sont du domaine public:
Né en 1548 à Nola, petite ville de Campanie proche de Naples, il y reçut une éducation teintée d'humanisme et d'auteurs classiques. Il rejoindra ensuite l'université de Naples où il découvre la mnémotechnique qui constitue rapidement une de ses disciplines favorites;
En 1565, il entre chez les Frères Prêcheurs de San Domenico Maggiore, couvent dominicain réputé dans toute la péninsule pour pour la qualité des titres délivrés. Il est ordonné prêtre en 1573 et, grâce à son exceptionnelle mémoire et son goût insatiable pour la lecture, nommé lecteur en théologie en 1575.
Néanmoins, Giordano, qui a lu tous les écrits d'Erasme, chantre de la liberté de pensée, supporte de plus en plus difficilement le poids de l'intransigeance et de l'obscurantisme du catholicisme. La rupture qui couve depuis ses années de noviciat éclate en 1576. Moine défroqué et excommunié, il erre à travers l'Europe jusqu'en 1592, date à laquelle il est dénoncé à l'inquisition vénitienne.
Voilà pour la biographie standard.
Mais ce qui est fascinant chez Bruno, critique de la Renaissance, c'est qu'il était indéniablement en avance sur son temps et pourtant totalement immergé dans son époque, prenant une part active aux grands débats religieux et philosophiques, notamment concernant la question cruciale pour l'Eglise de l'héliocentrisme; il incarne toutes les valeurs de la philosophie de son époque et celles de la pensée moderne: son esprit libre, sa pensée toujours en mouvement, toujours en recherche de réponses sur le monde et sur l'homme, questions toujours d'actualité...
Le contexte historique:
la reconstitution de l'esprit universitaire de l'époque, surtout oxfordien, est très réaliste avec ses controverses entre catholiques et protestants, pendant le règne de la fille d'Anne Boleyn, considérée par une partie des anglais comme une bâtarde:
Extrait page 85 :"C'est une histoire affligeante, docteur Bruno, et source de honte pour le collège. Lancien sous-recteur, le docteur Allen, a perdu son poste l'année dernière lorsqu'on a découvert qu'il s'était...parjuré en prononçant le serment de fidélité. Apparemment, il était dévoué à l'Eglise romaine."
En effet, toute l'intrigue tourne autour du contexte de luttes entre les papistes, dont la reine voudrait éradiquer la présence et l'influence dans son royaume, et les protestants, aussi intransigeants et fanatiques les uns que les autres. C'est en cela, à mon sens, que réside le véritable intérêt de ce roman.
L'intrigue:
car l'intrigue en elle-même est assez classique, avec les rebondissements d'usage: poursuites nocturnes dans les rues; messages secrets; livres cachés; chambres fouillées; identités usurpées;tortures, etc...tous les ingrédients qui font un bon roman sans toutefois rien d'exceptionnel.
Les personnages:
toute une galerie de personnages impliqués dans cette histoire donne une épaisseur à l'intrigue, je pense notamment au recteur obnubilé par la réputation de son collège; sa fille Sophia, maintenue dans son rôle de jeune fille à marier mais dont l'esprit vif est sans cesse en recherche de réponses; Cobbett, le gardien qui, malgré son absence d'éducation et son esprit un peu obtus, est capable de bien plus de bienveillance que ces messieurs de l'université à l'esprit souvent rassis.
Quelques autres portraits un peu tracés à la va-vite manquent de finesse et de subtilité, notamment le trésorier Slythurst, aveuglé par sa haine des étrangers, ne parviendra jamais à reconnaître les mérites de Bruno, le palatin Laski, véritable caricature du courtisan stupide et bouffi d'orgueil.
Mon avis:
Le Prix de l'Hérésie est un bon roman, divertissant, mais qui à mon sens manque un peu de profondeur, notamment le personnage de Bruno qui aurait mérité d'être plus complexe; on peut regretter, par exemple, que la disputation avec le recteur, raison officielle de sa venue à Oxford, soit à peine ébauchée. Même si cette joute orale n'avait pas de rapport direct avec l'intrigue, elle méritait certainement un meilleur traitement.
Malgré ce bémol, j'ai apprécié la reconstitution historique de l'esprit universitaire et religieux de l'époque dont S. J. Parris a bien montré la mesquinerie.
Ma note: 14/20
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